Dès mon premier contact avec la céramique, en 2014, la rencontre avec le grès noir a stimulé mon imaginaire et m'a fait entrevoir la possibilité de créer des objets à la présence sombre et élémentaire. Alors que j'apprenais encore les gestes liés aux techniques du colombin et de l'estampage, je me suis spontanément mis à strier au couteau et à l'ébauchoir cette argile dense, rouge à l'origine, et à laquelle la haute teneur en manganèse confère son intense couleur charbon en seconde cuisson. Une fois extraite du four où elles ont cuit à plus de 1250 degrés, elles semblent calcinées, rescapées d'une fournaise ou sorties d'un volcan. Qu'elles paraissent sauvées de la flamme me plaît, d'autant que les accidents de cuisson avec ce type d'argile sont fréquents. Je n'ai de cesse depuis cette rencontre initiale d'utiliser différentes terres noires, aux reflets plus ou moins profonds, les laissant souvent brutes, sans décor ni émail. Par ce biais, j'ai inconsciemment entrepris d'explorer en trois dimensions et à ma façon l'énigme de cette "lumière secrète" émanant du noir dont parle Soulages. Le geste de hachurer la terre, sans jamais aller jusqu'à la déchirer, est tout à la fois violent et libérateur. Il me permet d'engendrer un paysage accidenté, fait de sillons et de stries, qui ambitionne en fin de compte de rendre l'objet-céramique à la terre, à la cendre et à la roche dont sa glaise est issue. Visuellement, la noirceur de ces anthracites contenants a pour intention "d'ajouter l'ombre à la pénombre", un élément essentiel dans l'esthétique japonaise qui m'émeut et m'inspire. Parfois réhaussées d'or, elles s'apprécieront tout autant en plein soleil qu'à la lumière d'une bougie posée à côté,
obscurement présente.