"J'ai beau parfois toucher les choses, je rêve toujours élément" écrivait Gaston Bachelard dans son introduction à la "Poétique de l'Espace". D'une certain façon, la genèse d'une céramique confronte d'emblée l'artisan qui la façonne à cette évidence: sans terre, sans eau, sans air ou sans feu, nulle alchimie possible. Il semble assez naturel dès lors que la forme même des objets que l'on crée nous ramène à cette évidence. Au fil des ans, je m'aperçois que les contours et les lignes qui prennent naissance sous mes doigts, parfois comme sous une impulsion propre, sont intimement unies entre elles par un lien à la vie minérale, végétale et aquatique. Je tourne en vérité autour d'un repertoire de formes qui m'obsèdent, ni jamais les mêmes ni tout à fait autres; coquilles subaquatiques, nid de brindilles et écorces scarifiées, sphères et matrices, formes ovoïdes et chaleureuses, galets imprévus... A une époque où notre environnement naturel et la biodiversité n'ont jamais été autant mis à mal, je suis bien sûr loin d'être le seul à avoir besoin de renouer avec ce monde organique qui semble s'étioler sous nos yeux. L'attrait actuel pour la céramique, à l'instar de l'agriculture et de l'alimentation biologique peut être, est assurément à ce titre un signe des temps. Au delà d'une mode j'espère: une vraie recherche d'authenticité,
un retour aux sources.
“Jai beau parfois toucher des choses, je rêve toujours élément”
Les évocations inspirées par ces objets-sculptures peuvent être multiples et subjectives : là où l'un pensera voir un corail, quelqu'un d'autre verra l'image d'une girolle; ce qui évoquera le bois à l'un rappellera la pierre à l'autre. Une amie géologue, spécialiste de l'érosion des falaises, m'a un jour confié voir dans mes pièces en corolle (cf. le photophore ou le vase en porcelaine dans la galerie d'images ci-dessus) des "coccolithes". Je ne connaissais pas l'existence de ces particules calcaires, invisibles à l'oeil nu, et dont les accumulations composent une grande part des roches sédimentaires qu'on appelle communément la craie. J'ai pourtant grandi à la lisière de la côte d'Albâtre, qui commence au Havre, tout près des falaises d'Etretat. Cela doit nous rappeler que nous n'inventons rien. La nature s'est déjà chargée de tout imaginer pour nous, et nous ne pouvons être qu'humblement à son service, souvent sans même s'en rendre compte. Il convient au fond de s'en remettre à l'inépuisable creuset de matières, de couleurs et de formes qu'elle nous offre, jusque dans l'infiniment petit, et de le laisser nous nourrir et nous habiter.